Augmentation du taux d’emploi des femmes et du PIB, grand dyamisme sur le marché du travail, réduction des ingalités hommes-femmes, économies sur les dépenses en crèche. Les arguments au congé paternité ne manquent pas.
J’ai rencontré Kristina Jullum Hagen, directrice de département au syndicat patronal Norvégien et spécialiste des questions d’égalité. Je voulais lui poser quelques questions sur la vision de NHO du congé parental :
« Venez avec votre fille pour nous rencontrer ! Chez nous au Medef norvégien, on soutient les hommes qui prennent les longs congés. »
J’ai été surpris de cet accueil chaleureux : un syndicat patronal qui défend autant les droits des salariés ? En France, les syndicats soutenant les allongements et l’alignement du congé paternité sont les syndicats « employés ». En Norvège, le syndicat des patrons est son plus grand défenseur. Même si les entreprises contribuent au financement du congé parental à travers des taxes employeurs, elles voient plus loin que « la dépense du court terme », souligne Kristina.
Les congés paternités sont d’abord extrêmement bénéfiques à l’économie. En incitant l’homme à s’occuper des enfants à la maison, on favorise d’abord le taux d’emploi chez les femmes et le PIB d’un pays. Kristina m’invite à regarder le dernier rapport de l’OCDE [1].
Depuis la mise en place des congés paternité, la Norvège a quasiment égalisé le taux d’emploi chez les hommes (75%) et les femmes (72%).
Les autres pays scandinaves aux politiques similaires ont également des taux d’emplois très proche. En France, l’écart est de sept points (68% Homme vs 61% femmes.) Un pays riche comme la Suisse aux congés maternités généreux et paternité quasi inexistants a un différentiel de 9 points entre les deux.
Kristina ajoute : « Les femmes représentent une force de travail qualifiée sous-utilisée dans la plupart des pays. » Dans un article lié à son développement[2], la Norvège a calculé que si les femmes étaient restées à un niveau d’emploi des années 1970 (pré-politique égalitaire sur les congés parentaux), la perte du PIB serait de 220 Milliards d’Euro Le dernier rapport de SSB a montré aussi que la différence de rémunération en Norvège entre les hommes et les femmes avaient diminué entre 2005 et 2014.[3]
Ainsi, la leader du Medef Norvégien (une femme) Kristin Skogen Lund affiche son objectif : « le quota du père doit s’établir à 20 semaines ». [4]
En 2018, le gouvernement l’a augmenté de 10 à 14 semaines. « Cela va dans le bon sens. Les entreprises se privent des talents en mettant les femmes seules responsables de leurs bébés » et en « ayant un modèle de congé déséquilibré. »
Ces systèmes de congés parentaux ont également un impact sur le marché du travail. Je lui ai fait part de ma réflexion :
« En France, quand un ingénieur a un enfant, il recrute une nounou. En Norvège, on le remplace par un ingénieur le temps de son congé parental ».
Kristina confirme : « Les congés parentaux créent une dynamique sur le marché du travail considérable. » Beaucoup d’offres d’emploi sont générés, de 6 mois ou d’un an. Des CDD qui permettent à beaucoup d’acquérir une expertise et des compétences supplémentaires. Les opposants peuvent parler d’emplois précaires, la vérité est qu’elle génère des emplois à forte valeur ajoutée et peuvent jouer aussi le rôle des « formations ».
Analyse corrélée au dernier rapport du profil des hommes en congé parental [5]: les pères les plus éduqués prennent les plus longs congés. Par exemple, un « top manager »[6] d’une très grande entreprise norvégienne (RIKS TV) a pris 5 et 6 mois de congé paternité pour chacun de ses deux enfants. Impensable en France.
Conséquence ? Le marché de la nounou est quasiment inexistant en Norvège. Il peut s’agir de la profession grande perdante du système norvégien. La « garde partagée » à la française (que l’Etat nous autorise à défiscaliser) n’existe pas.
Par ailleurs, l’Etat Norvégien fait d’énormes économies : il s’est désengagé des crèches.
Il finance 2 milliards d’euros par an (19 milliards de NOK) en couvrant 100% des salaires des pères et mères. Mais l’investissement est compensé par l’absence totale de structure pour accueillir les nouveaux nés. La crèche n’ouvre qu’à l’âge d’un an. Hors, selon les derniers chiffres français, une place en crèche couterait 1700 € par mois par enfant à l’Etat. Les structures sont assez chères et il faut beaucoup de personnel par enfant. Dans beaucoup de villes de France, les places manquent.
En conclusion, les congés paternités ne sont pas si couteux, égalitaires et créateurs de valeurs. Qui peut donc s’y opposer ? Quelle est la vision du Medef sur le sujet ?
Je l’invite prendre un verre avec Kristina.
Elle lui expliquera mieux que moi.
[1] Chiffre de l’OCDE sur le taux d’emploi par pays (Homme vs Femme) https://data.oecd.org/emp/employment-rate.htm
[2] L’impact sur le PIB norvégien du congé paternité https://forskning.no/arbeid-kjonn-og-samfunn-likestilling-okonomi/2016/06/norge-dersom-damene-dro
[3] https://www.ssb.no/en/forskning/discussion-papers/parenthood-and-couples-relative-earnings-in-norway-2005-2014
[4] Article Interview de la leader su syndicat patronal Norvégien : « Un doublement du congé paternité apporterait davantage d’égalité salariale » https://www.nho.no/Politikk-og-analyse/Arbeidslivspolitikk/–en-dobling-av-pappapermen-vil-gi-mer-likestilling-i-arbeidslivet/
[5] Profil des pères prenant de longs congé paternité en Norvège : https://www.nav.no/no/NAV+og+samfunn/Kunnskap/Analyser+fra+NAV/Arbeid+og+velferd/Arbeid+og+velferd/fedrekvoten-uttak-og-holdninger
[6] https://www.dn.no/nyheter/2018/02/06/1520/Arbeidsliv/denne-toppsjefen-var-hjemme-med-barna-i-11-maneder
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J’ai une petite question : comment cela se passe t il pour les non salariés ? Pour ma part je suis chef d’entreprise et j’ai eu mon 1er enfant il y a 7ans, en France en tant que Tns, (travailleur non salarié) la prise en charge du congé a été limitée, j’ai repris mon travail quand mon fils a eu 1 mois et demi car pas possible de faire autrement, mon conjoint qui était aussi tns à l’époque à pu prendre le relais1 mois puis nous nous sommes tournés vers une Creche familiale gérée par notre commune. Pour le 2eme, rebelotte sauf que mon conjoint est depuis salarié dans mon entreprise (petite entreprise de 6 personnes) bref comment ça se passe pour les t’es en Norvège ?
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Bonjour Stépahnie, merci pour votre question.
Est éligible au congé parental tout père/mère ayant travaillé au moins 6 mois sur les 10 derniers précédent l’accouchement. Par travailler, l’administration norvégienne précise : avoir recu un salaire avec prélèvement pour cotisation retraite. Ca me parait technique car a priori dans votre cas il n y a pas de fiche de paie avec cotisation mais si le TNS cotise pour la retraite via une caisse specifique, il est sans doute eligible, mais il faut appeler l’administration pour savoir sur quelle base se calulerait l’indemnité.
Par ailleurs, en cas de non éligibilité au congé parental, à défaut d’avoir un salaire couvert pendant la période avant la place en crèche, le père/la mère peut recevoir un « versement unique » de 63.000 NOK (environ 7.000 euros quand même) pour aider les parents jusqu’à ce que la place en crèche. A savoir que les enfant rentrent en crèche à partir de 10/12 mois, beaucoup plus tard qu’en France. Le cout de la crèche pour les familles est fonction de leur revenu. Au maximum, la famille doit payer 320 euros par mois.
N’hésitez pas à suivre le blog!
J’espère avoir répondu à votre question,
Cdlt,
Tristan
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